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  • blandinebergeret21

Comme chien et chat



Comment peut-il me traiter de la sorte ? Dix-sept ans, bientôt dix-huit, sans faire partie de la famille stricto sensu, on est un peu comme un vieux couple, des compagnons de route en somme. Alors m’entendre dire que moi, je suis bête comme une oie, forcément je suis monté sur mes grands chevaux.


Fâché, je suis parti traîner mes guêtres. Je sais pertinemment qu’on ne peut pas compter sur lui. Il ne m’accorde de l’attention uniquement quand il en a envie ou besoin. Tiens, quand il a un coup de blues par exemple et qu’il veut se confier à une oreille compatissante. Il peut s’appuyer sur moi, muet comme une carpe. Pour le reste, il ne se soucie peu ou prou de moi. Comme en ce moment, où je tourne en rond, comme un lion en cage, parce qu’il pleut comme vache qui pisse. Mais pourquoi me regardent-ils ainsi ? Cela leur pose un problème à ces fouines ? Oui ? Eh bien, je vais reprendre mon chemin, qu’on me fiche la paix.


Marc est perplexe. Quelle mouche l’a piqué ? Têtu comme une mule et fier comme un paon ! Pourtant, il peut témoigner qu’il est comme un coq en pâte, ici. S’il y a un dindon de la farce dans cette maison, c’est lui ! Au crépuscule, sans nouvelles, il va au commissariat. Après avoir fait le pied de grue pendant une demi-heure, un agent lui demande une description. Yeux ? Marrons. Cheveux ? Un poil trop long. Âge ? Dix-huit ans. Minute papillon, lui répond l’homme en uniforme, qui se met à rouler des yeux de merlan frit. Aaaaah ! Oui mais là, ça change tout. Il est majeur ? Ben oui, depuis hier. Aaaaah ! Oui mais là, j’peux rien pour vous. Le policier, qui s’apprêtait à enregistrer ma déposition, lui confirme que dans ce cas, la règle est d’attendre vingt-quatre heures. À la majorité, il est libre de se déplacer sans rendre de compte. Quel drôle de zèbre ce flic, il n’aurait pas pu commencer par là. Marc tente de se rassurer. Idiot, il l’est, mais ce n’est pas pour autant qu’il fera des bêtises, car il n’est ni inconscient, ni casse-cou. À bien réfléchir, il se dit même qu’il est plutôt du genre trouillard, un peu poule mouillée. Il se remémore l’épisode où ils sont partis au bord de l’Atlantique et que, face aux vagues immenses, il a regimbé à se baigner en détalant comme un lapin. Donc, il est peureux et le caractère craintif de son acolyte le rassure. Mais ce n’est pas tant de lui qu’il se méfie que des étrangers. Il suffit de traverser la rue sans vigilance et zou, une voiture vous renverse. Vous plaisez un peu trop à quelqu’un et hop, on vous enlève et Dieu sait quoi encore...


J’ai un peu le cafard et j’hésite à rentrer au poulailler. Mais non, après cette énième prise de bec, je ne m’abaisserai pas. Ou quand les poules auront des dents. Marc n’est pas un mauvais cheval, mais il a la fâcheuse tendance à me prendre pour bouc émissaire. Pour en revenir à mes moutons, j’ai une faim de loup avec ce froid de canard. Je ne vais quand même pas chiper quelque chose. Il m’assène en permanence « qui vole un œuf, vole un bœuf », alors pas la peine que je me fasse ramasser pour maraudage à l’étalage.


Malgré son inquiétude, Marc dort comme un loir. Le lendemain, il entrouvre la porte puis descend au rez-de-chaussée espérant le trouver. Peut-être s’est-il faufilé telle une souris dans la résidence ? Mais à l’évidence, il n’a pas remis les pieds ici. S’il a pour objectif de me rendre chèvre, c’est réussi ! Pour être sûr et certain qu’il n’est pas dans le coin, il interroge les voisins, mais tous donnent leur langue au chat. Quelle tête de linotte, pourquoi n’y a-t-il pas pensé plus tôt ? Il enfile son manteau et après cinq minutes de marche, il arrive au jardin public.


Avec mes yeux de lynx, je le vois immédiatement. À la vitesse d’un escargot, je m’approche sans un bruit. Sentant ma présence, il fait volte-face et pendant un bref instant, en ours mal léchés, nous cherchons la petite bête. Et comme d’habitude, nous repartons ensemble, Marc se félicitant que je n’aie pas terminé dans la rubrique des chiens écrasés.


À force de noyer le poisson, je ne sais plus où j’en suis, moi … Bon, je vais vous mettre la puce à l’oreille en concluant rapidement… car vous allez finir par croire que ce récit est à bailler aux corneilles.


De retour chez eux, ils fêtent leurs retrouvailles en tuant le veau gras. Et, se refusant, malgré les circonstances, à donner de la confiture aux cochons, il l’interpelle :


- Viens voir papa, cesse de bouder. Regarde ce que j’ai pour toi.


Alors, d’un saut de cabri, je me lève et avec mes yeux de cocker, je fixe Marc en remuant la queue…


- C’est pour qui le bon nonos ?



Blandine Bergeret - août 2021


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